Regarde

            Le poisson bulle dans l’océan de ton regard, écumant les chants à la recherche de ces petites perles d’art que nourrit le chaleureux flot de ta voix.

            Quand un clin d’œil lui sourit, rendant plus éclatant le reflet de ce qu’il lui plait à contempler : le monde chatoyant sous toutes ses coutures, où la voix des sirènes, murène à l’oreille, s’anguille vers le courant fertile de la lecture et invite à poursuivre hors des bans dociles le sauvage roborant de nos partages.

 

Regarde : Huile sur toile de Liliane Cima – 61 x 50 – 2009.

Texte de Romain Breton.

Rencontre sur Möbius

            Laisse-moi un temps déconstruire ton infini d’argent, prendre la chaleur de faire ployer l’or inaccessible qui enrobe tes rêves précieux et les fondre dans ce présent inassouvi pour que siège à tes côtés l’éclat noble d’un espoir galvanisé… Pile à ton courant, face à ton plaisir, j’attirerai à toi les métaux célestes qu’éparpillent les étoiles filantes, et te renforcerai à chaque caresse pour faire tendre ce tour qui nous unit.

Rencontre sur Möbius : Sculpture en zinc et plâtre de Claude Tracq  – 20/20 – Photographie de Françoise Martin.

Infin : Texte de Romain Breton.

All in. (part 2)

          Arthur Jii sortit péniblement de sa Box, et se dirigea vers la fenêtre en plissant les yeux. Il avait laissé ses holoptix sur le siège de l’appareil et dut toucher la vitre pour filtrer davantage la lumière des écrans.
Les immenses dalles disposées en nid d’abeilles surplombaient les environs comme la carapace que quelque insecte technologique aurait laissé en reliquat d’une mue providentielle. En plus de dispenser un kaléidoscope des climats et programmes locaux, elle protégeait la population de l’atmosphère méphitique qui traînait en suspens depuis ‘La Vraie Dernière Guerre’.
A cet étage de l’une des tours principales de la Défense, Arthur aurait presque pu tendre le bras et les toucher tant il en était près. L’imposant édifice perçait même au-delà du dôme, aux étages supérieurs, mais il ne s’y était jamais aventuré. Du reste, il fallait gravir un escalier en colimaçon, à pied tout du long, et si, plus jeune, il était monté toucher la porte comme un défi à son paternel, cela lui aurait demandé aujourd’hui un effort quasi surhumain.
Il s’était toujours imaginé, débouchant un jour à la surface, parcourant la paroi en scrutant l’horizon sur des kilomètres à la ronde, le regard s’épanouissant davantage à chaque touche végétale que les robots avaient enfin fini de déposer pour faire perdurer un air respirable.
Mais il était appelé ailleurs…
Peut-être même un peu plus loin, songea-t-il en reconnaissant le film dont avait été extraite la vue qui composait le fond du ciel du moment. Out of Africa. C’était tout juste si Arthur n’entendait pas au loin les rugissements égarés d’un lion camouflé que les techs auraient manqué au remontage. Ou l’écho furtif d’un passé lointain devant la vidéothèque de ses grands-parents qui n’en terminait de s’effondrer.
Toutes ses affaires réglées, il attendait de rejoindre le défilé qui poursuivait sa longue procession deux centaines de mètres plus bas, traversant tout Paris dans le faste et les chromes que l’on pouvait décemment accorder à l’événement, avant que chaque Box ne regagnât l’emplacement qui lui était attribué pour le début du tournoi. Ensuite, les places dans les navettes se libéraient et se remplissaient au gré des gains accumulés par le représentant de leurs alliances respectives pendant les quatre journées que durait l’événement. Arthur Jii, comme chacun de ces joueurs, se verrait redirigé vers l’ascenseur spatial et accueilli à bord du gigantesque satellite géostationnaire où se déroulait la partie.
Longue tradition d’une mascarade de logistique n’aboutissant jusqu’alors à nulle mise à feu… Mais le jeu ne commençait qu’une fois les jetons sur la table.
Le Président de l’Arche de la Défense arriva tout juste avec le passe qui lui permettait de s’y installer : le Qioube, la compilation de toutes les archives de son Alliance sur un seul support.
Encore étonné d’apercevoir le reflet du vieil homme dans la vitre, Arthur mit un certain temps avant de se retourner pour l’accueillir. L’ancien s’était déjà mis au travail. Il s’approcha pour contempler des doigts agiles retrouvés toute leur aisance et officiés avec la juste précision de l’alchimiste minutieux.
Le silence d’à-propos, seulement ponctué des déflagrations d’arcs électriques dont les ponts s’activaient, malgré sa splendeur, menaçait de devenir abyssal, et le défilement des lignes de code n’allait pas retenir plus longtemps l’attention d’Arthur, pressé par l’imminence de l’événement : « Waou, ça va être un putain de bordel ici les jours prochains, s’esclaffa-t-il avant de reprendre sur un ton plus solennel ; ça va être un sacré foutoir dans les environs les jours prochains. Qu’il ait été économiquement plus intéressant de pointer vers une case du Qioube que d’en marquer la valeur mémoire, je n’ai pas mon mot à dire, mais privées du système de connaissance commun, de nombreuses routines…
– Allons, allons, préoccupe-toi de ce qui importe, l’interrompit le vieil homme, nous nous débrouillerons sur papier en attendant, comme nous l’avons toujours fait. Nous en avons recopié une partie aux Archives, et puis nous avons un joli stock de support Vidéo Digital. Nous tiendrons jusqu’à ce que tu nous restaures l’unité mémorielle. Ah, voilà, il est installé. Plus qu’une réinitialisation et tout devrait être reconfiguré à merveille ! Alors Arth’, tu as eu le temps de mettre au point une stratégie ? »

Regards 04 : Spectre Acteur

Spectre Acteur

Lorsque ton doux regard mon cœur a traversé,
Corps en émoi, offert, qu’un sain désir cabra
Pour venir consumer les brumes de tes bras,
Forteresse éternelle aux larmes à verser,

Corps en émoi, offert, qu’un sain désir cabra
Devant ce vain spectacle au présent inversé,
Forteresse éternelle aux larmes à verser,
Suivant le joug d’un temps dont le spasme sabra

Devant ce vain spectacle au présent inversé,
Des désirs partagés, l’espace se zébra
Suivant le joug d’un temps dont le spasme sabra
Ce rien qui nous sépare à murs à renverser,

Des désirs partagés, l’espace se zébra
Pour sertir l’avenir de gais rayons hersé,
Ce rien qui nous sépara, murs, a renversé,
Lorsque ton doux regard mon cœur traversera.

 

Tableau de Caroline Tafoiry – Technique à l’encre ou acrylique sur fond de publicité – 30×40 – Regards : Œuvre 04.

Pantoum de Romain Breton.